Le LIFE AWOM, c’est quoi ?

Le Phragmite aquatique, passereau le plus menacé d’Europe continentale, fait déjà l’objet de plus de 25 ans d’efforts de conservation à l’échelle européenne voire internationale, que ce soit au travers d’efforts nationaux, via des plans d’actions ou autres documents de planification, ou à plus large échelle, notamment via des projets LIFE ou via le travail de l’AWCT (Aquatic Warbler Conservation Team). A l’échelle de la France, cet effort s’est notamment traduit par un programme LIFE en Bretagne au début des années 2000 et deux PNA dont le second est toujours en cours. Depuis le 1er janvier 2025 et pour une durée de 5 ans, un nouvel élément vient renforcer la conservation de cet oiseau à l’échelle européenne, le programme LIFE AWOM “Aquatic Warblers on the Move”.

Soutenu financièrement par la Commission Européenne, ce programme a pour objectif de développer un réseau de haltes migratoires complet, cohérent et résilient au changement climatique pour l’espèce, qui pourra servir d’exemple pour la planification systématique d’un réseau de sites pour d’autres espèces.

Le nom de ce projet fait référence aux 6 000 km parcourus par cet oiseau lors de sa migration depuis l’Europe de l’Est, où il niche, jusqu’en Afrique de l’Ouest, où il hiverne, en passant par un réseau de haltes migratoires, où il se repose et reconstitue ses réserves de graisses.

Cinq pays sont impliqués dans ce projet. Quatre d’entre eux, la Belgique, la France, l’Espagne et le Portugal, concernent des zones humides fréquentées par le Phragmite aquatique en tant que halte migratoire. Le cinquième pays, le Sénégal, est l’un des principaux pays connus pour abriter le Phragmite aquatique durant son hivernage. Au total, 14 partenaires au sein de ces 5 pays prennent part au projet.

Diverses actions seront entreprises dans le cadre de ce programme LIFE. Au total, 1 119 hectares de zones humides seront restaurés, répartis sur une vingtaine de sites, dont la plupart font partie du réseau Natura 2000. L’ensemble du projet est divisé en plusieurs axes de travail, au sein desquels les mesures prises permettront l’atteinte des objectifs « […] grâce à la restauration écologique, à la surveillance scientifique, à la formation technique et à l’action politique » comme l’a indiqué Amélie Tagu, responsable de la communication pour le LIFE AWOM à Wetlands International – Europe.

Par exemple, un de ces volets concernera l’amélioration des connaissances au sujet du réseau de sites fréquentés par le Phragmite aquatique au cours de sa migration. Diverses modélisations seront faites afin d’identifier le cas échéant de potentiels sites favorables au Phragmite aquatique, sur lesquels la présence de l’oiseau en migration ou hivernage n’est pas forcément connue à ce jour. Ces modèles incluront notamment des variables liées au climat, aux conditions météorologiques ainsi qu’aux habitats, tout en y évaluant les potentiels impacts du changement climatique. Un travail de terrain permettra de potentiellement détecter l’espèce, sur la base de ces modélisations ou de précédentes études de géolocalisation. Par ailleurs, un autre volet se concentrera sur le suivi et l’évaluation des efforts de restauration sur les sites concernés. Plusieurs paramètres seront ainsi étudiés, incluant notamment la cartographie des habitats favorables, la disponibilité alimentaire via l’échantillonnage des espèces proies, le calcul de l’engraissement des individus, ou encore la fonctionnalité de ces sites par télémétrie. Le LIFE AWOM visera aussi à « intégrer ses mesures dans les plans nationaux de restauration de la nature, la politique agricole commune (PAC) et les stratégies d’adaptation au changement climatique. Chaque pays participant élaborera également des plans d’action spécifiques pour le Phragmite aquatique et mettra à jour les principales données sur l’état de ses habitats » – Amélie Tagu, Wetlands International – Europe. L’ensemble des volets liés à l’acquisition de données et au besoin de connaissances utiliseront des données obtenues par le biais du baguage. Un certain nombre de stations de baguage seront ainsi mises en place au sein de sites prospectés, restaurés ou connus en tant que halte migratoire pour l’espèce.

Fruit d’une collaboration d’ampleur entre diverses entités de conservation de la nature sur plusieurs pays européens et africain, le LIFE AWOM est le premier projet LIFE multi-pays visant à restaurer les haltes migratoires et zones d’hivernage du Phragmite aquatique. Associé au LIFE4AquaticWarbler, un autre projet centré sur les sites de nidification du Phragmite aquatique (Ukraine, Pologne, Lituanie, Allemagne et Hongrie), cela constitue la plus grande initiative coordonnée à ce jour pour la conservation de l’espèce à l’échelle de l’ensemble de la route migratoire.

Et en France ?

Sur les 14 partenaires du projet, 5 sont des structures françaises : Bretagne Vivante, l’association ACROLA, le Groupe Ornithologique Normand, la Maison de l’Estuaire et la Tour du Valat.

Certaines de ces structures prendront plutôt part aux activités de terrain, liées notamment à la restauration écologique et au baguage. C’est le cas de l’association ACROLA sur l’île Pipy dans l’estuaire de la Loire, de la Maison de l’Estuaire sur la RNN de l’Estuaire de la Seine, et du Groupe Ornithologique Normand sur la Réserve Naturelle Régionale des Marais de la Taute.

La Tour du Valat sera plutôt présente sur le volet scientifique et communication locale, notamment dans le but d’intensifier les efforts le long de la côte méditerranéenne.

Enfin, le travail de Bretagne Vivante s’inscrit dans deux principales missions.  D’une part, l’association assurera la coordination du volet de travail lié au suivi et à l’évaluation des sites, dans le but de constater l’atteinte des objectifs du LIFE AWOM. En effet, le travail réalisé dans ce volet découle d’une transposition à l’internationale des actions entreprises au sein du PNA français, animé par Bretagne Vivante. D’autre part, Bretagne Vivante s’assurera de réintégrer les résultats et connaissances acquises durant le LIFE à un niveau national, de façon à renforcer les efforts de conservation pour le Phragmite aquatique en France.

Plus d’informations à venir sur une page dédiée au projet LIFE AWOM.