Le Phragmite aquatique
LE PHRAGMITE AQUATIQUE
Le Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola) est une espèce de petit passereau nichant dans les marais (espèces paludicoles) des zones tempérées européennes et hivernant dans les zones humides ouest africaines présentant la même structure de végétation.
D’une taille de 13 cm pour un poids moyen de 12 g, il est de couleur brune, les deux sexes ayant le même plumage. Il se différencie du Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) par sa raie sommitale jaune, les nettes bretelles chamois encadrant le manteau et les fines rayures noires sur les flancs (Demongin 2013, Svensson 2010, Géroudet 1973).
Ecologie et menaces
En période de nidification, il recherche des milieux prairiaux humides (tourbières à laîches et structures de végétations similaires) avec une végétation autour d’un mètre de hauteur, dépourvus de ligneux (ou très éparses), et plus ou moins dense. L’habitat utilisé présente également une faible hauteur d’eau. Il exploite cet habitat en grimpant sur des tiges ou en se déplaçant au sol.
En migration, il va rechercher des habitats similaires, mais avec moins d’exigence, en fonction des ressources alimentaires. Les habitats avec une faible lame d’eau ou un sol très humide sont satisfaisants. Il va utiliser les roselières basses, parvo-roselières, prairies très humides, les lisières de mare ou le schorre (Tanneberger et al, in Tanneberger et Kubacka 2018 ; Hemery et al. 2018).
En période de reproduction, le mâle occupe un territoire de plus de 8 ha (Dyrcz et al. in Tanneberger et Kubacka 2018). La femelle s’occupe seule de la construction du nid, de la couvaison et de l’élevage des jeunes. Elle dépose 3 à 6 œufs fécondés par un ou plusieurs mâles, dans un nid posé sur une touffe d’herbe ou sur un enchevêtrement de végétaux. L’espèce fait deux pontes par an. Ce mode d’élevage monoparental nécessite donc d’avoir des habitats très riches en insectes.
Cette stratégie – femelle s’occupant seule de toutes les phases de la production des jeunes, mâles non territoriaux – a entrainé l’espèce dans une niche écologique qui lui a permis de se développer tout en réduisant la compétition avec les autres espèces. Elle s’est ainsi spécialisée sur les marais tourbeux gorgés d’eau et riche en ressources alimentaires (mésotrophes à eutrophes). Ainsi, les menaces qui pèsent sur l’espèce pour la conservation des populations sont celles qui menacent d’une façon plus générale les zones humides, depuis des décennies. Au cours du siècle dernier, plus de la moitié des zones humides en Europe et dans le reste du monde a disparu (CEE 1995, in Zones Humides 2018).
Espèce strictement insectivore, le Phragmite aquatique est un migrateur transsaharien strict. Il niche aujourd’hui à l’est du continent européen et rejoint ensuite ses quartiers d’hivernage d’Afrique de l’Ouest en passant par l’Europe de l’Ouest.
Carte du cycle biologique du Phragmite aquatique (Hemery et al. 2018)

Carte du cycle biologique du Phragmite aquatique
Statut de conservation
L’évaluation de l’état de conservation du Phragmite aquatique est réalisée au niveau européen (pas d’évaluation exigée au niveau national) dans le cadre de la Directive Oiseaux. Toutefois, dans le cadre de la rédaction du 1er PNA 2010-2014, l’exercice d’évaluation de l’état de conservation du Phragmite aquatique avait été proposé au niveau français sur le modèle de ceux réalisés dans le cadre de la Directive Habitats Faune Flore, dans une perspective de mise en valeur de l’évolution de l’état de la population et des habitats au cours de la mise en œuvre du plan (Le Nevé et al., 2009). Au début du PNA, la méthode utilisée avait statué sur une évaluation « défavorable-mauvaise ».
En parallèle, le rapportage européen au titre de l’article 12 de la Directive Oiseaux a inclus un volet sur l’état et les tendances des populations (Comolet-Tirman et al., 2015). Un guide méthodologique a été établi pour accompagner cette évolution et donner les outils pour réaliser cette évaluation (Comolet-Tirman et al., 2012). En 2018, une évaluation des effectifs de Phragmites aquatiques transitant par la France, des menaces qu’ils rencontrent et des mesures de conservation mises en œuvre a été transmise.
Au niveau mondial, comme présenté dans les chapitres précédents, l’aire de répartition de l’espèce diminue, par perte de populations satellites. Un projet de restauration d’habitat pour créer des réseaux de connexion des sites favorables est en cours (programme LIFE Stepping stones towards long-term favorable conservation status of Aquatic Warbler in Lithuania and Belarus, Baltic Environmental Forum Lithuania 2016-2023). Mais pour le moment l’aire de répartition reste fragmentée. Les effectifs sont toujours à la baisse (BirdLife International 2017), même si on observe un ralentissement voire des hausses des effectifs sur quelques secteurs (Tanneberger and Kubacka, 2018).
Au niveau français, les sites d’escales post-nuptiales sur la façade Manche-Atlantique sont bien identifiés, et sont localisées majoritairement dans le réseau Natura 2000. Par contre, les sites utilisés sur la façade méditerranéenne et le centre de la France sont moins connus, notamment en termes d’importance et les lacunes sur la connaissance des sites de migration pré-nuptiale perdurent, même si une notable avancée a été faite pendant le premier PNA. Une analyse globale à venir est nécessaire, la tendance dans les captures en France sur les sites de haltes migratoires post-nuptiales est à la baisse, reflétant la situation mondiale.
Depuis les années 1990, la perte de surface de zones humides s’est ralentie, mais pas interrompue. Les zones humides les plus dégradées sont les tourbières et les milieux palustres d’eau douce, comprenant une bonne part des habitats recherchés par le Phragmite aquatique en migration. De plus, les menaces perdurent avec l’extension de l’urbanisation, les pollutions, etc.
Toutefois, dans le cadre du premier PNA, l’identification des habitats importants a progressé, sa description et la prise en compte dans les modalités de gestion a augmenté.
Des avancées sont constatées en France, par rapport à l’état des lieux dressés au moment de la rédaction du premier PNA. Ces progrès sont le résultat de l’action du PNA, mais restent insuffisants : le statut de conservation du Phragmite aquatique demeure le même que lors de l’évaluation de 2009 « défavorable-mauvaise ».